Interview

Les confidences de Julie de Besombes

Il y a quelques semaines, je découvrais Julie de Besombes, son instagram, son blog, ses aquarelles pleines de douceur et son roman, « Le printemps d’avril » qui a fait énormément écho en moi. C’est avec une grande bienveillance qu’elle a bien voulu répondre à mes (nombreuses) questions. Et je vois qu’elle est aussi pipelette que moi !

Je vous laisse découvrir cette autrice sensible et pleine de talents. Elle a beaucoup de richesses intérieures à partager avec nous 4

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Crédit photo : Kasia Kozinski

Bonjour Julie ! Peux-tu te présenter en quelques mots ? D’où te vient cette envie d’écrire ?

J’habite Aix-en-Provence, je suis auteure et illustratrice.

L’envie d’écrire… Elle vient d’abord de cette passion pour les livres, les histoires, la poésie…Collégienne et lycéenne j’ai adoré mes professeurs de français, c’était ma matière préférée (avec l’histoire et les arts plastiques), j’aimais les rédactions, les dissertations, les explications de texte, j’ai naturellement choisi un bac littéraire et plus tard des études de lettres.

En Master j’ai rencontré une enseignante formidable, Anne Roche (la sœur de l’écrivain Martin Winckler), elle proposait une UV sur l’écriture d’invention et la littérature contemporaine. Grâce à elle j’ai découvert, entre autres, Michel Houellebecq ; la lecture de son roman Les Particules élémentaires a changé ma vision du monde, de la littérature, de la façon dont on pouvait écrire un livre (jusqu’ici je vouais un culte à la littérature du XIXème siècle, j’étais pétrifiée par la perfection de l’écriture de Flaubert, Maupassant… Impossible d’écrire après de tels génies), j’ai pris une énorme claque, une forme d’explosion de ce que je croyais être « la littérature ». J’ai commencé par écrire un petit essai sur ce livre et puis j’ai entrepris un premier roman sous la direction d’Anne Roche, c’était parti pour l’écriture ! D’une certaine façon cette femme m’a donné la permission d’écrire, je lui dois beaucoup, sans elle je ne sais pas si j’aurais franchi ce cap.

Parle nous de ton livre « Le printemps d’avril » qui est sorti début juillet? Pourquoi ce titre ?printemps avril2

Le Printemps d’avril, j’ai choisi ce titre parce que j’aime le printemps, c’est ma saison préférée, elle symbolise le renouveau, la renaissance et c’est précisément le sujet de mon roman : naître à nouveau.

Et « avril » parce que c’est le plus joli mois du printemps, le mois des fleurs, le retour du vert, la végétation explose, s’épanouit, le « vrai » printemps c’est avril.

Ce livre est l’histoire de cette renaissance/naissance, je crois que nous, êtres humains, mettons des années à nous défaire de ce qui ne nous appartient pas (éducation, normes/ attentes sociales…), vers 40 ans, je crois qu’une forme de tournant s’opère, parce que nous prenons peut-être conscience, pour la première fois, que nous allons mourir, que vivre n’est pas remettre à demain, il y a une forme d’urgence. J’ai vécu cette urgence, je la vis toujours, cette volonté puissante de s’affranchir, de vivre, libre.

La liberté est ce que je chéris le plus et je crois que rien n’est plus difficile à atteindre que ça.

Le Printemps d’avril raconte l’histoire de cinq femmes arrivées au bout d’un schéma, celui de leur « ancienne vie ». Une vie dans laquelle elles ne se reconnaissent plus, ou pire, une vie qui les rend malheureuses, parfois imperceptiblement, mais l’envie, l’entrain n’est plus là… une vie qui traîne des pieds, voilà à quoi elles se sentent condamnées.

Mon livre décrit une quête de liberté, devenir soi, et en même temps s’affranchir de soi.

Mais pour autant ce n’est pas du tout un livre de « développement personnel », je déteste ce genre de littérature, ce serait même un « anti-livre » de développement personnel car il ne donne pas de recette, il montre justement qu’il n’y en a pas, que ce chemin de libération prend des voix très différentes pour chacune des héroïnes.

Quel a été l’élément déclencheur qui t’a poussé à écrire sur le thème de la   sororité, du féminin sacré et sauvage?

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Giuliano Bartolomeo – Le Villi

Je suis passionnée par ces thématiques, depuis toujours les sorcières me fascinent, je suis subjuguée par leur pourvoir, leur liberté, leur communion avec la nature, leur sauvagerie (pour moi c’est un mot positif), par le fait que leur mystère les font craindre : on tue/on pourchasse ce qui est différent, donc ce qui nous effraie (la société agit toujours ainsi d’ailleurs). J’aime aussi le fait qu’elles ne cherchent pas à plaire, elles sont ce qu’elles sont.

A travers mon roman, à travers Barbara, qui incarne, finalement, une forme de sorcière, j’ai choisi cet archétype de la femme sauvage qui vit seule, en quasi autarcie, qui se baigne nue dans les lacs… La femme qui a repris son pouvoir et donc sa liberté. Elle se moque de plaire ou de déplaire, elle dit, pense, fait ce qui lui plaît.

Dans ton roman, Barbara, qui accueille chez elle 4 femmes en perdition dans leurs vies personnelles, leur explique que, pour se reconstruire, il faut sombrer et ne pas avoir peur d’aller voir du côté de leurs peurs et de leurs côtés sombres. Es-tu d’accord avec elle ?

Oui et non, je ne pense pas que le fait de sombrer soit un passage obligatoire pour se trouver, mais je pense que sombrer, si cela se produit, peut-être un acte de vérité et de courage envers soi.

Si ça arrive, si je sombre, soit je me juge : « si je sombre je suis la dernière des dernières, je suis nulle, je n’arrive pas à vivre » et je fais tout pour sortir très vite de cette situation horrible : les médicaments, les divertissements, tout ce qui peut encore plus me détourner de moi, me couper de mes émotions ; alors je ne résous rien, j’applique des pansements sur une jamprintemps d'avrilbe de bois, je perpétue le malaise qui reviendra forcément et d’autant plus violemment que je l’ai bâillonné.

Soit j’accueille, je prends même ce moment où je suis à terre comme une bénédiction, une chance de pouvoir déblayer les gravats de mon moi malade. Sombrer c’est aussi s’abandonner complètement, perdre le contrôle de soi, de sa vie, et c’est précisément ce que la plupart d’entre nous ne faisons jamais : lâcher le contrôle.

Sombrer, me permet de prendre le temps, de contempler le vide, le noir, d’écouter ce qu’il me dit, d’accepter aussi ma vulnérabilité : je n’y arrive plus et c’est ok.

Je ne dis pas que c’est facile, non, pas du tout, ça demande un courage de guerrière, mais mes héroïnes n’en manquent pas.

Barbara les oblige à ce face à face avec leurs cotés les plus obscures, pas forcément pour les éliminer, non, elle leur montre au contraire que les émotions dites « négatives » : la peur, la jalousie, la colère, la haine, la rage font partie des émotions humaines, que lutter contre elles ou les ignorer ne fait que les renforcer et crée des monstres ou des hypocrites !

Je cite cette phrase de Pascal dans mon livre (idée qu’il avait emprunter à Montaigne) :  «Qui veut faire l’ange fait la bête »

Je pense que rien n’est plus vrai.

Tu as choisi de faire évoluer tes protagonistes dans un lieu clos (la ferme de

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Crédit photo Kasia Kozinski

Barbara) et pour autant ouvert sur le monde, la nature, les éléments? Penses-tu que trouver sa place en tant que femme c’est aussi se confronter aux éléments sauvages, bruts, parfois indomptés, de Mère Nature ?

Je chéris la nature, aucune colère, aucune tristesse ne résiste chez moi à une grande marche dans la nature, c’est ma drogue dure, sans elle, au bout d’un moment je ne tourne plus rond, je quitte mon « axe ».

La nature tient une grande place dans la « thérapie » que vont suivre les protagonistes, parce qu’elle ne ment pas, parce qu’elle nous met en face de notre vérité ; j’ai été confrontée à des expériences extrêmes dans la nature, la peur de la mort surgit en même temps la pulsion de vie, l’instinct de survie fait émerger quelque-chose de primitif en soi ; c’est ce qui arrive à Laure dans le roman, ce n’est qu’à partir de cette expérience extrême qu’elle peut accepter, enfin, de lâcher les barrières, les faux-semblants, elle se retrouve brutalement confrontée à elle-même ; on revient à la question précédente : affronter le noir, la mort, nos côtés sombres pour enlever le voile de l’illusion, de la « persona », du masque social.

Comment as-tu construit la personnalité de chacune de tes héroïnes : Céleste,Résultat de recherche d'images pour "cercle de femmes" Roxane, Clara, Laure et Barbara ?

Une torture ! J’ai cru que je n’y parviendrais jamais… Cinq femmes…Cinq personnages, parfois tellement loin de moi… elles sont le fruit de mon imagination mais aussi de mes observations, des femmes qui m’entourent ou que je croise, tout est inspiration, je suis une éponge.

Quelles sont les femmes qui t’inspirent au quotidien ?

Les femmes qui m’inspirent au quotidien sont les femmes libres. J’éprouve énormément d’admiration pour les écrivaines. Les vies de George Sand, Colette, Virginia Woolf, Karen Blixen, Marguerite Duras me guident chaque jour, ces femmes qui ont ouvert la voie, braver les conformismes, j’envie leur liberté et j’y aspire ! Je pense aussi à l’impertinence de Françoise Sagan, j’aime les femmes espiègles, joueuses, et toujours libres, Sagan représente ça. J’aime aussi Camille Claudel, son idéal, son absolu… Même si bien sûr elle l’a payé cher.

 Outre leur vie libre et leur courage, la vulnérabilité de ces femmes, l’acceptation de leur sensibilité, de leur fêlure parfois, font également parti des choses qui les relient, qui en font des êtres profonds, vrais et tellement attachants.

Mais finalement ce n’est pas une question de sexe, car j’admire la liberté tout autant chez les hommes, ceux qui vont au bout de leurs idées, de leurs combats, ceux qui ne transigent pas ;  je pense à Paul Watson du Sea Shepherd, il ne s’est jamais détourné de son idéal, de ce qu’il croyait juste et il continue, des années après.

Les gens libres et vrais m’inspirent, quel que soit leur sexe.

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Julie, tu es aussi artiste et c’est toi qui as illustré la couverture de ton roman. Peux-tu nous en dire plus sur cette dernière ?

J’adore dessiner, peindre surtout en utilisant les couleurs évanescentes de l’aquarelle. Je ne voulais pas d’une couverture sobre, je voulais des couleurs, mais je ne savais pas comment… Un matin, j’ai vu une photo de femmes nues au bord d’un lac, j’ai su que c’était ça, j’ai dessiné des femmes nues, de dos, pour le mystère, révéler juste ce qu’il faut.

Je rêve d’ailleurs de créer un livre illustré, j’ai (un petit peu) commencé, on verra où cela me mène…

Certains auteurs ou autrices ont des méthodes d’écriture particulières comme suivre un schéma précis, annoter des idées dans un carnet, écrire dans le silence ou en musique, écrire en journée ou la nuit…as-tu des rituels ?

Avant d’écrire, je suis comme un chien qui tourne trente fois en rond dans son panier avant de s’asseoir ! Que c’est difficile de m’y mettre !

Il faut que la maison soit parfaitement en ordre, que le silence soit absolu, pas de téléphone bien sûr, rien qui puisse me déranger, je dois entrer dans une bulle. Une fois que j’y suis, ça va, je ne suis pas une personne effrayée par la page blanche.

Je n’écris jamais le soir, j’écris principalement le matin, mais parfois l’après-midi aussi.

Je prends beaucoup de temps pour écrire un roman, j’ai des carnets dans lesquels je prends des notes ; je vois, avec le temps, si une idée peut aller au bout, car écrire un roman demande tellement d’endurance, parfois, certains sujets s’essoufflent, ne tiennent pas la distance. Alors je renonce, je laisse tomber, c’est dur de renoncer quand on a beaucoup travaillé mais je le fais et c’est douloureux, frustrant : tout ce travail pour rien !

Ecrire? Est-ce une bénédiction ou une malédiction ? Cela rejoint l’histoire des zones d’ombre : écrire c’est vivre un émerveillement que rien ne peut égaler et parfois une douleur atroce : « et si je n’arrivais plus à écrire ? Qu’est-ce que c’est mauvais ce que j’ai écrit aujourd’hui ! »

Quels sont tes projets pour la suite ? Un nouveau lesmotsdoux-675x900.jpglivre est-il peut-être déjà en cours ?

Mes projets : un nouveau roman, il tourne dans ma tête depuis quelques mois, je prends des notes, je commence la rédaction, puis j’efface, je me dis que ce n’est pas une bonne idée et puis j’y reviens… A force d’y revenir, je crois, que finalement, c’est une idée qui doit poursuivre son chemin, puisqu’elle revient toujours.

Il y a aussi ce livre illustré, pour enfant, avec mes aquarelles de chats, mais un livre un peu déjanté quand même, pas trop classique !

Ça devient un petit rituel maintenant ici : une petite photo de ta bibliothèque ou de ta pile à lire ?

pal julie

Merci Julie d’avoir bien voulu partager avec nous ton univers. Je souhaite que tes projets trouvent leurs chemins…jusqu’à nous une nouvelle fois !

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